Henri Désiré Landru est né en 1869 d’un père chauffeur et d’une mère couturière. Éduqué chez les frères, il se voit contraint d’épouser sa cousine qu’il a séduite et mise enceinte en octobre 1893, union dont naîtront 4 enfants.
Comme aucun de ses multiples emplois ne lui procurent assez de revenus, il embrasse à partir de 1900 une carrière parallèle d’escroc. Il fait publier dans des journaux des annonces d’emplois grassement rémunérés, et pour s’assurer du sérieux des candidats, il leur réclame une garantie, sorte de caution qu’il se dépêche d’encaisser avant de disparaître. Il a été plusieurs fois condamné, compris à des peines de prison, ce qui ne l’empêche pas d’exploiter ce filon, durant 14 années. Il sera condamné par défaut le 20 juillet 1914 à 4 ans de prison ferme et à la relégation, c’est-à-dire au bagne. Il entre en clandestinité.
La première guerre mondiale marque le tournant dans ce nouveau business ; les hommes sont au front et les femmes s’ennuient ; Landru n’est pas bel homme mais charmeur. Il se fait passer pour un veuf prospère mais esseulé et fait publier dans les journaux, sa recherche de femmes veuves ou seules, à qui il promet le mariage. Son texte était toujours le même : « Monsieur sérieux, ayant petit capital, désire épouser veuve ou femme incomprise. Situation en rapport ». Il a ainsi eu recours, comme il l’avait consigné dans son petit carnet noir retrouvé par les enquêteurs, à 90 pseudonymes, et 283 femmes sont entrées en contact avec lui via ses annonces. Une fois appâtée, il fait signer à sa victime une procuration, afin de faire main basse sur ses économies. Puis il l’invite, pour fêter l’union, dans un pavillon de campagne isolé, d’abord à Vernouillet puis à Gamblais.
Fin 1918, le maire de Gamblais reçoit deux courriers demandant des nouvelles d’une femme qui se serait installée sur la commune avec son fiancé mais qui ne donne plus de nouvelles. Les femmes ne portent pas le même nom, ni les fiancés, mais l’enquête est ouverte. Le commissaire Belin, chargé de l’affaire, découvre par hasard un nom dans les dossiers en désordre de Landru, rue de Rochechouart qui le conduit à trouver le portrait anthropométrique de Landru, ses condamnations multiples ce qui lui a permis de « démasquer l’homme aux cent noms ». Lors de sa garde à vue, la maison est rapidement identifiée et les témoignages de villageois concordent vers la même description du fiancé : un petit homme chauve, barbu, coiffé d’un chapeau melon qui arrive à chaque fois avec une femme différente et qui repart seul. Après une brève enquête, un troisième cas de disparition est identifié impliquant le même individu, sous un nom encore différent. La maison est inspectée de fond en comble, mais « très rapidement mon échec s’avère complet sur toute la ligne » racontera le commissaire Belin, qui rajoute à propos de la cuisinière qu’il avait repérée : « ce fourneau est d’un modèle tellement courant, si réduit, que je ne vais tout de même pas supposer que Landru a brûlé onze cadavres dans ce poêle primitif ». La perquisition de la maison de Gamblais permet de retrouver un coffre aux initiales de l’une des victimes, un matelas avec des taches de sang et une cuisinière. La 2e perquisition, quelques jours plus tard, met au jour de petits ossements dans la cuisinière. Mais aucun corps. « En remuant la cendre la cendre en ce matin du 12 avril 1919, j’ai touché, tenu dans mes mains, les débris de trois crânes calcinés qui s’y trouvaient encore et d’autres débris, sciés, concassés, de plusieurs bras et de plusieurs jambes de femmes, brûlés aussi » écrira le commissaire Belin. Landru est arrêté le 12 avril 1919. Lors de son arrestation par le Commissaire Belin, ce dernier procède à une fouille très minutieuse des vêtements : je trouve seulement quelques francs dans ses poches, mais aussi un calepin de poche à couverture de toile noire, et un autre carnet. Le carnet, véritable annuaire d’un comptable méticuleux, contient des notes soulignées à l’encre rouge et des dates : les confessions du criminel ! […] le calepin de poche est plus impressionnant encore. Il porte onze noms sur le première page […] ceux de Mme Collomb et de Mme Buisson les deux disparues que je recherche […]».
C’est son petit carnet dans lequel il consignait tout (les rendez-vous, les déplacements, les achats…) qui va le confondre, car depuis son arrestation, Landru reste muet.
L’instruction durera deux années.
Le procès s’ouvre le 7 novembre 1921 devant la Cour d’Assises de Seine-et-Oise siégeant à Versailles. Il est jugé pour le meurtre de 11 femmes. La foule se presse, non seulement pour Landru mais aussi en raison de la personnalité de son avocat : Maître Vincent de Moro Giafferri, devenu célèbre avec le procès des survivants de la bande à Bonnot en 1913. « le train de 10h40 qui amenait chaque matin de Paris, les magistrats, policiers, témoins, journalistes, prit rapidement le nom de « train Landru », racontera le commissaire Belin. Il sera assisté de Maître Auguste Navières du Treuil, tandis que les parties civiles sont représentées par Maîtres Lagasse et Surcouf. Vincent de Moro-Giafferri plaide sur le fait que l’accusation est vide, puisqu’aucun corps n’a été retrouvé. Il va même plus loin, en annonçant que l’une des victimes prétendument mortes a été retrouvée et qu’elle est prête à apparaître ! Toute la salle d’audience se tourne vers la porte, personne n’entre mais c’est bien la preuve pour Me Moro-Giafferri que nul n’est certain de la culpabilité de son client. Cette anecdote de prétoire relève vraisemblablement de la légende, aucun compte-rendu d’audience n’en faisant mention, mais résume parfaitement l’exceptionnelle plaidoirie de Me Moro-Giafferri.
L’attitude de Landru au procès, quant à elle, surprend : il ironise, plaisante, interpelle la salle ou les jurés, tel un showman ! : « si les femmes que j’ai connues ont quelque chose à me reprocher, elles n’ont qu’à déposer plainte » s’exclame-t-il lors d’une audience. Il reconnait l’escroquerie mais pas les meurtres.
Malgré le talent de Vincent Moro-Giafferri, Landru est condamné à mort le 30 novembre 1921. A l’annonce de ce verdict, Landru prend les mains de son avocat attristé : «Remettez-vous Maître, Ce n’est pas à l’accusé de consoler l’avocat ».
Sa demande de recours en grâce sera rejetée le 24 janvier par le Président de la République Alexandre Millerand. Il sera exécuté le 25 février 1922.
A son avocat qui, au pied de l’échafaud, lui demandait si, finalement, il avouait avoir assassiné ces femmes, Landru répondit : « Cela, Maître, c’est mon petit bagage… » ! Avant de poursuivre : « ce dont je vous suis le plus reconnaissant, Maître, c’est d’avoir cru jusqu’à la fin à mon innocence ».
Landru est guillotiné à l’entrée de la prison de Versailles à l’aube du 25 février 1922 par le bourreau Anatole Deibler, qui note dans son carnet « 6 h 10. Temps clair »
Un an plus tard, la liquidation de ses objets mobiliers se termine par une vente aux enchères. La cuisinière sera achetée par un forain qui veut l’exposer en public, mais la police s’y oppose.
De son incarcération en 1919 jusqu’à son exécution en 1922, il aurait reçu plus de 4 000 lettres d’admiratrices dont 800 demandes en mariage. Cette fascination érotique porte un nom, l’hybristophilie. Le Musée du Barreau en possède quelques-unes dans ses collections.
Bibliographie :
Bruno Fuligni, Landru l’élégance assassine, Editions du Rocher, 2020.
Jules Belin, Trente ans de sureté nationale, Bibliothèque France Soir, 1950.
Et si vous ne connaissez pas, la chanson de Charles Trenet, Landru.
Auteur : Cindy Geraci, Directrice du Musée, novembre 2021.