L’affaire Dreyfus – 3e partie

Les proches d’Alfred Dreyfus (dont son frère Mathieu et son avocat Edgar Demange) apprennent bientôt que la condamnation a été rendue illégalement, mais ils ne peuvent exploiter cette information qui est seulement officieuse.

Les choses ne commencent vraiment à bouger qu’en 1896 : le nouveau chef du service des renseignements, le lieutenant-colonel Picquart, découvre que le véritable auteur du bordereau est le commandant Esterhazy. Picquart informe les généraux Gonse, De Boisdeffre et Billot, respectivement sous-chef et chef de l’état-major, et ministre de la Guerre. Mais les supérieurs de Picquart manifestent de vives réticences à l’idée de rouvrir le dossier Dreyfus. C’est alors (le 14 septembre 1896) que le journal L’Eclair révèle l’existence du dossier secret. Lucie Dreyfus proteste aussitôt publiquement contre le déni de justice dont a été victime son mari. L’état-major est cependant bien décidé à empêcher la relance de l’affaire Dreyfus. Un membre du service de renseignements, le commandant Henry, va jusqu’à fabriquer un faux document, destiné à accabler Dreyfus. Picquart reçoit quant à lui des « ordres de mission » qui le contraignent à quitter le service des renseignements (novembre 1896).

Esterhazy en uniforme du 74e d’infanterie
(entre janvier 1893 et août 1898)

Interview du Commandant Esterhazy par Ph. Dubois. L’Aurore du 18 novembre 1897.
Extrait du dossier de plaidoirie de Fernand Labori pour la défense d’Emile Zola.

En juin 1897, Picquart, convaincu de sa disgrâce à l’état-major, confie ce qu’il a découvert à son ami l’avocat Leblois. Celui-ci en parle sous le sceau du secret à Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat, qui affirme dès lors publiquement sa conviction de l’innocence de Dreyfus. L’engagement de Scheurer-Kestner, dont l’autorité politique et morale n’est pas négligeable, a un grand retentissement. Des membres de l’état-major établissent alors dans le plus grand secret des relations avec Esterhazy, dans le souci de résister avec succès à une éventuelle offensive des dreyfusards. Celle-ci se déclenche en novembre 1897 : Mathieu Dreyfus, qui a découvert de son côté la culpabilité d’Esterhazy, dénonce ce dernier au ministre de la Guerre. Esterhazy est renvoyé devant le Conseil de guerre. Mathieu et Lucie Dreyfus tentent d’intervenir au procès, mais leur demande, présentée par Mes Edgar Demange et Fernand Labori, est rejetée. Esterhazy, défendu par Me Maurice Tézenas, est acquitté à l’unanimité, après trois minutes de délibération, le 11 janvier 1898.

En décidant de déclarer Esterhazy innocent, l’armée rendait théoriquement impossible toute réouverture du dossier Dreyfus. Deux jours plus tard, Picquart est mis aux arrêts et Scheurer-Kestner perd la vice-présidence du Sénat. La victoire des antidreyfusards parait alors totale et définitive.

Cartes postales « La dame voilée »

Elle arbore képi et bottes sous son voile, et remet des documents au commandant Esterhazy. Carte postale, c. 1898.

Vitrine consacrée au procès Esterhazy, exposition Dreyfus, 2019-2020.

Le commandant Esterhazy au Conseil de guerre. – Lecture du jugement, Le Petit Journal, n° 375, 23 janvier 1898.

L’affaire Zola : le commandant Esterhazy à la barre.
Gravure de Meaulle d’après Carrey.
Journal Illustré n°9 du 27 février 1898.
Au premier plan, à la barre, debout, en habit militaire, le commandant Esterhazy, au moment où il refuse de répondre aux questions posées par la défense. A gauche, assis, Emile Zola et ses avocats (Labori en haut). A droite, en arrière-plan, des avocats en robe.
Acquisition 2019.