Le vendredi 9 mai 1902, l’ouverture du « coffre aux cent millions », comme l’a surnommé la presse mais qui, en fait de millions, ne contient pas un centime, fait éclater au grand jour l’affaire Humbert, une gigantesque escroquerie doublée d’un des plus grands scandales politico-financiers de la IIIè République alors triomphante.

Dessin au crayon et au fusain de Charles Renouard. Acquisition 2021.

Belle-fille d’un ancien garde des Sceaux, Thérèse Humbert conçoit une monumentale escroquerie qui va durer de 1885 à 1902 : elle affirme être l’héritière d’un riche américain, Crawford, dont la fortune lui est disputée, à l’en croire, par deux neveux du défunt. A l’aide de son mari avocat et de sa propre famille, elle organise toute une série de procès fictifs et emprunte des sommes considérables en assurant ses créanciers d’un remboursement qui devrait survenir dès lors qu’elle aurait la libre disposition des valeurs conservées dans un coffre. Pendant dix-sept années, « La Grande Thérèse » mène un train de vie fastueux, invitant chez elle toute la société parisienne.

En 1902, l’escroquerie est enfin découverte : il n’y a aucune valeur dans le coffre ! Quant aux neveux Crawford, ils n’ont jamais existé.

Carte postale, vers 1903. Le Préfet Lépine (?), accompagné de magistrats, lors de l’ouverture du coffre de la famille Humbert, qui ne contient qu’un lapin. Acquisition 2017.

Thérèse et ses proches passent en Cour d’assises l’année suivante. Thérèse Humbert est notamment défendue par Henri Robert et Fernand Labori. Thérèse et Frédéric Humbert sont condamnés à cinq ans de prison. Une sentence plutôt clémente, au regard de l’énormité de l’escroquerie, mais qui peut s’expliquer par l’humilité dont devait faire preuve la justice elle-même – et à laquelle  tous les journaux ne manquaient pas de l’appeler : un ancien bâtonnier de Paris (de 1891 à 1893), Charles-Henry du Buit, n’avait-il pas été l’un des conseils les plus fidèles de Thérèse Humbert, allant jusqu’à exciper de sa propre honorabilité pour arguer de celle de sa cliente ?

Carte postale datée de 1903. Thérèse Humbert, assise dans le box des accusés entre deux gendarmes. En contrebas se tient son avocat : Henri Robert. Acquisition 2007.

La légende veut que Thérèse Humbert, après avoir effectué sa peine, ait émigré aux Etats-Unis, le pays des « Crawford », où elle serait morte. Une autre prétend qu’elle serait restée à Paris, où elle aurait fini ses jours claquemurée dans un petit appartement.

Carte postale, 1902. Composition mettant en scène Frédéric Humbert assis dans un fauteuil, face à un coffre-fort ouvert contenant quelques pièces et un lapin ayant un billet dans sa gueule. Thérèse Humbert, appuyée au coffre-fort, converse avec deux hommes, dont l’un lui tend des billets. A l’arrière, un groupe d’hommes tenant des liasses de billets, accourt en direction de Thérèse Humbert. Derrière elle se trouvent Romain et Marie Daurignac, ses frère et soeur. Acquisition 2007.

L’affaire Humbert a été porté à à la télévision avec Simone Signoret dans le rôle de Thérèse Humbert, diffusée pour la première fois en novembre 1983. « Thérèse Humbert, c’est quelqu’un de totalement malhonnête et d’extrêmement rigolo, qui n’a pas fait couler une goutte de sang », disait l’actrice à propos de son rôle.

 

Auteur : Cindy Geraci, Directrice du Musée, septembre 2021.