Née en 1888 à Orléans d’un père employé de chemin fer et d’une mère sans profession, Suzanne Aupourrain étudie le droit et devient lorsqu’elle prête serment en 1909 la 9e avocate en France. Elle épouse en 1905 un médecin de nationalité roumaine, Orléans Grunberg, exerçant à Paris, avec lequel elle aura trois enfants.

Suzanne est appelée tantôt Grunberg, tantôt Grinberg. Une erreur d’orthographe s’est produite lors de son mariage, sur le livret de famille : il a été écrit un « I » au lieu du « U ». Lors de son divorce en 1941, elle rajoutera son nom de jeune fille à celui de son mari (car elle a eu ses diplômes sous son nom de femme mariée) et se nommera : Suzanne Grinberg-Aupourrain.

En 1914, elle est appelée au Comité central de l’Union française pour la cause des femmes et participe durant toute la guerre à de nombreuses conférences sur la lutte contre l’alcoolisme, mettant en avant le calvaire des épouses et des enfants des hommes qui en sont atteints. Elle  animera localement les sections des XVIIe et XVIIIe arrondissements parisiens et deviendra vice-présidente de cette association dans les années 1930.

A partir de 1916, elle enseigne le droit civil à HEC jeunes filles. Elle publie aux éditions Albin Michel un ouvrage, préfacé par Henri Robert, intitulé : Le droit des veuves et des orphelins de guerre, salué par la presse comme un guide précieux dans lequel elle a mis « sa science du droit et son cœur » (Le Journal des débats politiques et littéraires, 1er août 1916).

Féministe engagée, depuis qu’elle a ouvert pour la première fois un Code civil (Le Grand Echo du Nord de la France, 17 février 1935), elle étudie de nombreux sujets permettant de faire avancer les droits des femmes : en 1916 le journal La Française rapporte une étude sur le droit des femmes mariées de ne plus « suivre » le nom de leur époux. Cette même année, en avril, elle présente, au congrès de l’Union française pour le suffrage des femmes, un rapport sur  le projet de loi sur les pensions militaires des veuves, orphelins et ascendants. Elle poursuit sur ce sujet en 1917 en étudiant le rapport de son confrère Pierre Masse, alors sous-secrétaire d’Etat à la guerre, sur les pensions militaires dans lequel il demande le relèvement du prix des pensions, une indemnité pour les enfants et une allocation pour les ascendants.

Elle plaide, comme ses consœurs, remarquablement dans les conseils de guerre : « l’une d’elles Mme Suzanne Grinberg s’est fait une spécialité des poilus qu’elle défend de tout son cœur et avec tout son talent » écrit Lectures pour tous : revue universelle et populaire illustrée dans son numéro du 1er avril 1917.

En 1926, elle est considérée comme « l’une des plus intelligentes et érudites avocate de la Cour d’Appel de Paris » et s’engage avec ferveur « au mouvement mondial d’affranchissement féminin » (La Lanterne, 30 juin 1926) ; en effet, elle multiplie ses interventions dans les congrès et les réunions, s’attèle à l’écriture de nombreux articles et ouvrages en faveur des droits des femmes. Militante inconditionnelle du suffrage féminin, elle porte sa parole et ses convictions jusqu’à New-York, où elle est invitée en 1927 à plusieurs conférences (Le Quotidien, 27 janvier 1927) qu’elle fera en anglais.

Elle crée, en 1928, l’Association des femmes juristes, dont le but est de développer entre les femmes d’une même formation et de même culture, bien qu’exerçant des professions différentes, des sentiments de solidarité et d’entraide, et de créer entre elles l’esprit de fraternité.

Elle sera la première femme admise à la direction de la Confédération des travailleurs intellectuels (et en devient la secrétaire) et à l’Association nationale des avocates, et en 1933, la première à recevoir la légion d’honneur à titre professionnel, ce qui lui vaudra un encart dans The Chicago tribune and the Daily news, New York ! Elle est également cofondatrice de l’Union des femmes décorées de la Légion d’Honneur en 1938.

The Chicago tribune and the Daily news, New York, 26 juillet 1933. © Gallica-BNF

Durant la Seconde Guerre Mondiale, elle fonde avec Louise Weiss le Centre de Propagande pour la grandeur du Pays et part s’installer dans sa maison de Saint-Jean-de-Braye. Elle est nommée en 1944 conseillère municipale d’Orléans, suite à son attitude durant le conflit et à son excellente réputation.

Suite à la loi du 11 avril 1946 stipulant que « tout Français, de l’un et l’autre sexe, répondant aux conditions légales, peut accéder aux fonctions de la magistrature », Suzanne sollicite un poste de magistrate en 1947, sans succès.

Elle décède le 5 juillet 1972.

Dessin original daté de 1922

 

Bibliographie :

Article écrit par Suzanne Grinberg dans le bulletin hebdomadaire de l’Armée du Salut, 5 août 1916

Suzanne Grinberg, Les droits des veuves et des orphelins de guerre, Paris, Albin Michel, 1916.

Suzanne Grinberg, Historique du mouvement suffragiste depuis 1848, Paris, Henry Goulet, 1926.

Suzanne Grinberg, Le Droit des femmes et les nouvelles constitutions, Toulouse, impr. F. Boisseau ; Paris, Libr. du Recueil Sirey, 1935.

Les droits nouveaux de la femme mariée : commentaire théorique et pratique de la loi du 18 février 1938 / Suzanne Grinberg et Odette Simon,… ; préface de Paul Matter,…, Paris, Recueil Sirey, 1938.

Sources :

  • Dossier ODA
  • Dictionnaire des féministes, France XVIIIe-XXIe siècle, sous la direction de Christiane Bard, Paris, PUF, 2017, pp. 679-682, notice de Christiane Bard.
  • Presse nationale et régionale sur Gallica et Retronews.