Avocat au Barreau de Paris de 1862 à 1925, Edgar Demange est élu quatrième secrétaire de la Conférence du stage en 1864-1865. Il commence sa carrière durant 3 années comme clerc chez un avoué.

« Grand, large d’épaules, la tête droite, le visage haut en couleurs, éclairés de deux yeux rayonnants de bonté, le front développé couronné de cheveux légèrement frisés, que divisait en deux parties égales une raie tracée sur le sommet de la tête, deux favoris à l’ancienne mode, une bouche bien fendue à la lèvre humide, tel apparaissait à la barre Demange, quand se levant devant l’accusé, il commençait sa plaidoirie en  juin pressant, entre le pouce et l’index de ses deux mains, les coins inférieurs de son rabat » (Me Aubépin dans La France judiciaire, 7 juin 1931) .

Buste en marbre, réalisé par Cipriani, 1912.

En 1870, il acquiert sa notoriété en défendant avec succès le prince Pierre Bonaparte, accusé d’avoir assassiné le journaliste Victor Noir. Edgar Demange s’affirme dès lors comme l’un des grands avocats d’assises de sa génération.

Membre du Conseil de l’Ordre de 1888 à 1892, il est à l’apogée de sa carrière lorsqu’il est sollicité par Mathieu Dreyfus pour la défense de son frère Alfred.

« Oh celle-ci [L’affaire Dreyfus] ? Je n’ai jamais douté. C’est Waldeck qui m’avait prié de me charger de la défense. J’y avais consenti en me réservant d’examiner le dossier avant avant de donner mon acceptation définitive […]. Le dossier m’éclaira vite, il n’y avait rien, rien qu’une similitude d’écritures. Je pris l’affaire » (Archives de l’Anthropologie criminelle, tome 28, 1913).

Convaincu de l’innocence de Dreyfus, Demange accepte de le défendre devant le Conseil de Guerre. Il perd alors une partie de sa clientèle et de ses relations. Peu après la condamnation de son client, il apprend que le Conseil de guerre a examiné des documents secrets non communiqués à la défense.

« Et devant le verdict, que je ne pouvais pas comprendre, – puisque des pièces que je ne connaissais pas l’avaient inspiré – je pleurais littéralement sur mon impuissance. C’est une chose terrible pour un avocat quand il se dit « Ce condamné est innocent », qu’il en est moralement sûr, et qu’il ne peut plus rien faire, rien… » (Archives de l’Anthropologie criminelle, tome 28, 1913).

Me Edgar Demange, après la seconde condamnation de Dreyfus.
Gravure de Paul Renouard (1899)

Il devient alors l’un des partisans les plus résolus de la révision. Mais ce fils de soldat, catholique fervent, ne recherche jamais le conflit avec les hautes institutions.  Conciliant et modéré, il s’efforce à Rennes, lors du deuxième procès Dreyfus, de s’attirer les bonnes grâces de l’Armée, en plaidant le bénéfice du doute. Après cet échec, il se déclare partisan de la grâce présidentielle, contrairement à beaucoup de dreyfusards. Demange restera par la suite en bons termes avec la famille Dreyfus.

De 1919 à 1922, il est réélu membre du Conseil de l’Ordre.

En 1920, il défend encore Joseph Caillaux devant la Haute Cour.

Quelques autres affaires :

  • L’affaire Pranzini (1887).
  • Le marquis de Morès, meurtrier du capitaine juif Mayer lors d’un duel pour lequel il obtient son acquittement (1892).
  • Édouard Ducret, journaliste boulangiste condamné pour usage de faux lors de l’« affaire Norton » (1893).
  • Félix Fénéon, au procès des Trente (1894).
  • Léopold Émile Aron, dit Émile Arton, escroc impliqué dans le scandale de Panama (1896-1897).

Il décède d’un arrêt du cœur consécutif à une attaque de grippe le 11 février 1925, à l’âge de 86 ans (L’Oeuvre, 12 février 1925). Il était alors le doyen de l’Ordre des Avocats.