Henri Pranzini ou le triple assassinat de la rue Montaigne (actuelle rue Jean Mermoz, 8e arrondissement).

Après avoir travaillé comme commis dans une banque anglaise et dans l’administration des postes, doué pour les langues (il en parlait 8 !), Henri Pranzini s’engage dans l’armée anglaise en qualité d’interprète pour l’expédition au Soudan. Il revient en 1886 à Paris où il exerce diverses fonctions de traducteur, retoucheur de tableaux et dans un même temps souteneur et gigolo. Amateurs de femmes, il est placé sous la protection de Mme Sabatier, bourgeoise d’un certain âge qui lui offre le gîte et le couvert. Mais il cherche des coups à faire comme utiliser ses charmes pour détrousser de riches parisiennes. Lors d’une soirée place Vendôme, il fait la connaissance d’une femme demi-mondaine Marie Regnault qui s’éprend de lui.

Quelques jours plus tard, le 17 mars 1887, Henri Pranzini égorge Claudine-Marie Regnault, sa femme de chambre Annette Grémeret, et la fille de cette dernière, Marie-Louise. Les bijoux et une importante somme d’argent (200000 francs) ont disparu. Il s’agit donc d’un crime crapuleux, mais particulièrement sanglant. Sont retrouvés sur la scène de crime : une paire de boutons de manchettes portant les initiales G.G. ; quelques lettres signées d’un certain Gaston Gessler ; une petite ceinture tâchée de sang portant le même patronyme ainsi qu’une empreinte de pas. Marie Regnault avait rencontré Gaston Gessler lors d’un voyage en Egypte ; cet homme avait la réputation d’être détroussé et ils avaient été amants. Le suspect idéal dont le signalement a été à toutes les forces de police du pays.

Le Journal Illustré, 10 avril 1887

Mais quelques jours plus tard, un homme de passage à Marseille revend pour 20 francs une montre en or à l’une des employées d’une « maison de tolérance ». Il lui offre également des boucles d’oreilles de valeur. Marie Lafavre parle aussitôt de cette affaire à sa patronne, qui redoutant d’être accusée de recel, informe  la police. Le Commissaire reconnait alors la montre.

Henri Pranzini, qui avait donné son vrai nom à Marie Lafavre, est arrêté le 21 mars 1887. Son procès s’ouvre devant la Cour d’Assises de la Seine le 9 juillet 1887. Défendu par Me Edgar Demange, il s’obstine à plaider l’innocence et de fait ne répond à aucune des questions qui lui sont posées sur les circonstances du drame. A l’issue de son procès, il est reconnu coupable des meurtres et condamné à mort.

L’Univers Illustré du 16 juillet 1887

« Quel être curieux et complexe !  » raconte quelques années après Edgar Demange à un journaliste. « Vous savez qu’il nia toujours être l’auteur des crimes pour lesquels il fut condamné à mort. Après l’arrêt, je fis une démarche auprès du Président Grévy pour obtenir une commutation de peine. Je comptais un peu sur les sentiments du Président, qui était hostile à la peine de mort, et j’avais comme argument les dénégations de Pranzini ». Après avoir été reçu « très cordialement », le Président lui dit : « Il faudrait supprimer la peine de mort ; si on ne la supprime pas, elle doit être appliquée pour Pranzini ». Le Lendemain, Edgar Demange retourne voir le Président qui lui dit : « Demandez à Pranzini : Avez-vous eu des complices ? […] Si c’est non, la justice suit son cours ; si c’est oui j’attendrai, je verrai, je ferais faire une enquête supplémentaire ».

Informé par son avocat, Pranzini lui demande : « la grâce c’est la liberté ? » ; non répondit Edgar Demange, « c’est la vie ! ». Alors Pranzini dit fermement et à deux reprises qu’il n’avait pas de complices (Archives de l’Anthropologie criminelle, tome 28, 1913).

Le Journal Illustré, 10 avril 1887.

Tandis qu’à Lisieux la jeune Thérèse se met à prier pour que Pranzini se convertisse et parte l’âme en paix, il sera guillotiné le 31 août 1887 au matin après avoir arraché des mains du prêtre un rosaire et embrassé le crucifix.

Sainte Thérèse de Lisieux priant pour Pranzini – Carte postale en couleur.

Edgar Demange était admiratif de cet homme « beau, intelligent, admirablement doué parlant sept à huit langues, qui peut-être tua des femmes et un enfant pour voler, et qui « chaque jour faisait prendre des nouvelles de mon fils qui avait la fièvre typhoïde ». Pranzini ne révéla jamais le nom de la femme du monde avec laquelle il avait entretenu une correspondance amoureuse. Seuls trois hommes ont su le nom, parmi lesquels Edgar Demange (Archives de l’Anthropologie criminelle, tome 28, 1913).

Un moulage de la tête décapitée d’Henri Pranzini est réalisé afin de permettre aux scientifiques d’étudier les critères physionomiques susceptibles de révéler la personnalité de tels individus. Elle est exposée au Musée de la Préfecture de Police.

Cette affaire a été présentée au Musée lors de l’exposition Pièces à conviction en 2017.