Agathe Dyvrande-Thévenin est née en 1885 à Baugé d’un père avocat devenu procureur de la République. Après des études à la faculté de droit de Paris, licenciée en juillet 1907, elle prête serment au Barreau de Paris le 6 novembre 1907, tout comme son père Ernest Dyvrande l’avait fait en 1877 ! Dans les faits, celui-ci a volontairement retardé cette prestation afin de faire coïncider cette cérémonie avec l’anniversaire du jour où lui-même avait prêté serment devant cette même cour (Le Parisien, journal de deux heures, 10 novembre 1907).
Elle plaidera pour la première fois en 1908 dans une affaire de divorce à Saint-Quentin (Nord), juridiction où exerce son père procureur de la République.
En décembre 1910, elle obtient brillamment son doctorat, mention très bien et félicitations du jury, pour sa thèse intitulée « Le Bien de famille, étude juridique de la loi du 12 juillet 1909« .
Lors de la mobilisation en 1914, elle se met à disposition du Bâtonnier et remplace ses confrères partis au front. En 1915, elle explique qu’elle plaide sans avoir le sentiment de remplacer les absents. Les affaires d’assistance judiciaires (divorce, accidents du travail…) sont toujours aussi nombreuses. Quant aux conseils de guerre, c’est pour elle « une des plus douce obligations de la profession. Défendre ici le soldat qui, là-bas, se bat pour nous, c’est un peu lui dire : Merci ! » (Le Figaro du 1er juillet 1915).
Elle plaidera donc de nombreuses affaires civiles et au 1er conseil de guerre « avec talent » comme le précise Le Journal des Débats du 31 mars 1918, pour défendre Mouffard, coaccusé d’infraction à la loi du 5 août 1914 sur les propos alarmistes avec l’institutrice de Pantin Hélène Brion. Mouffard, sergent devenu caporal a été par deux fois cassé de son grade. Blessé à Vauquois, il est au moment du procès mobilisé à la poudrerie de Bergerac. Hélène Brion est inculpée de propagande destinées à favoriser l’ennemi et à exercer une influence néfaste sur le moral de l’armée. Elle sera condamnée à 3 ans de prison et Mouffard à 6 mois.
Féministe engagée, elle s’affirmait déjà lors de sa prestation de serment. « Etes-vous féministe ? lui demande le journaliste du Parisien en 1907. « Pouvez-vous en douter, lui répond-elle. Je suis féministe comme toutes les femmes le sont ou devraient l’être, c’est-à-dire pour l’accession de toutes les femmes aux carrières compatibles avec les conditions de leur sexe » (Le Parisien, journal de deux heures, 10 novembre 1907).
Elle démarre sa carrière aux côtés du bâtonnier Henri Barboux (1834-1910). Elle sera mêlée à de grands procès dont celui de Sarah Bernhardt contre la Comédie française pour rupture de contrat, représentée par le Bâtonnier Barboux.
En 1911, avocate et secrétaire d’un magistrat de la Cour de Cassation, elle demande une admission au stage, refusée après examen du Conseil de l’ordre des avocats à la Cour de Cassation et au Conseil d’Etat. Cette demande provoqua de vives réactions parmi ses confrères masculins.
Elle devient en 1926 la présidente du groupement amical des avocates de France (créé en 1912), dont le but est de créer des relations amicales entre les avocates et d’aider les débutantes à leur entrée dans la profession (Journal officiel, 18 septembre 1926).
En 1929, elle est élue présidente de la fédération internationale des femmes magistrats et avocats. Cette association est constituée en 1929 à Paris, par Agathe Dyvrande et sa consœur Marcelle Kraemer-Bach, et a pour objet d’une part que toutes les carrières juridiques soient ouvertes aux femmes de tous les pays du monde et d’autre part de grouper les femmes qui ont une profession semblable de tous les continents. D’ailleurs, dès la constitution de l’association, elles ont rencontré le Garde des Sceaux pour demander que les françaises puissent être juges dans les tribunaux pour enfants puisque une de leur consœur – à Varsovie- avait déjà obtenu ce titre.
Elle poursuit son engagement féministe en organisant, dans le cadre du comité de direction de l’Ecole d’Oratrice, qui accueille et dispense un enseignement gratuit à toute femme sans distinction d’ordre politique, des concours d’éloquence, toujours avec la complicité de ses consœurs Marcelle Kraemer-Bach et Suzanne Grinberg.
Elle est nommée chevalier de la Légion d’Honneur en 1934. Un banquet sera donné en son honneur en janvier 1935. Après des discours élogieux de Melle Dilhan, doyenne des avocates de France, initiatrice de ce dîner, de Me Campoamor, avocate déléguée des barreaux féminins espagnols, et de Me Quinche, représentante suisse du barreau féminin, une croix de la Légion d’honneur lui a été remise par sa consœur Marcelle Kraemer-Bach pour la Fédération internationale des femmes avocates et magistrates. Agathe Dyvrande fut très émue par cette cérémonie et les discours élogieux de ses consœurs et du Bâtonnier Thorp.
En 1947, elle est la doyenne des avocats, dans l’ordre d’inscription du barreau (44 ans de barreau), surnommée par certains de ses confrères « La mère Agathe »! Elle a consacré toute sa vie privée et professionnelle à obtenir l’égalité absolue des deux sexes non seulement pour sa profession mais dans toutes les activités et la vie en général (Le Courrier de Tlemcen, 24 avril 1947).
Elle décédera le 23 décembre 1977.
Cindy Geraci, directrice du Musée. Juin 2020.